Zone archives : Agassi à la Masters Cup 2003 (Houston)

De retour à la compétition depuis l'US Open, André Agassi réalise un très beau parcours. Dominant Ferrero et Nalbandian en poules, puis Schuettler en demi-finale, il aura perdu ses deux matchs face au même joueur : Roger Federer. Voici sa conférence de presse après sa finale.

16 novembre 2003 (après sa défaite en finale face à Roger Federer (6-3 6-0 6-4)
QUESTION : Federer est-il un joueur capable d'élever son niveau de jeu dans une situaton comme aujourd'hui ?

ANDRE AGASSI : Je crois qu'il a montré qu'il peut bien jouer lors de grands événements, aucun doute là-dessus. Vous savez, il a très bien joué aujourd'hui. Je n'ai pas réussi à élever mon jeu comme je l'aurais souhaité après mon match d'hier et il en a profité. Il a fait ce que tout grand joueur aurait fait, il a fait son boulot.

Q : Vous dites que c'est un grand joueur, grand comment ?

AA : Tout ce que vous pouvez faire à ce stade, c'est jauger son niveau . Il fait tout. Et il fait tout bien. Il bouge bien, il tape bien la balle des deux côtés. Il est bon en fond de court, mais aussi au filet. Son service est très efficace. Il connaît bien le jeu, la façon de se positionner sur le court. On ne peut mieux faire.

Q : Lorsque vous le regardez, pensez-vous qu'il puisse réaliser de grandes choses dans le jeu ?

AA : Et bien, vous voyez le potentiel de chacun lorsque vous voyez leurs armes et il a certainement un gros potentiel. Il faut aussi prendre en compte le cœur et l'esprit du compétiteur, et cela donne parfois des choses incroyables. D'autres fois, cela vous empêche d'atteindre votre potentiel. Son potentiel, c'est de réussir de grandes choses, c'est incontestable.

Q : Vous êtes certainement déçu. Mais est-ce que vous n'êtes pas également satisfait de cette semaine étant donné que vous n'aviez pas joué depuis deux mois ?

AA : Oui, c'est certain. (…) J'ai eu des matchs difficiles, et c'est ce que j'étais venu chercher ici. J'en ai gagné trois, ce sont là de bons signes. Mais aujourd'hui, il me fallait jouer un joueur en pleine confiance. Il fallait que je sois au meilleur de ma forme, que je bouge bien, que je me sente très bien. Que toutes les choses se mettent bien en place. La seule chance que vous avez, c'est d'être au top. Aujourd'hui, il ne m'a pas permis d'y arriver.

Q : Espériez-vous que l'interruption cuasée par la pluie vous sauverait ?

AA : Non. Au contraire, j'avais peur qu'arrêter rende les choses encore plus difficiles (rire).

Q : Quand il est dans son rythme, essayez-vous de prolonger les échanges ?

AA : Cela dépend. Ecoutez, je ne suis pas là à essayer de me trouver des excuses. Il méritait de gagner ce tournoi. Il a mieux joué toute la semaine. Nous avons eu un grand match en début de tournoi. J'ai eu deux balles de match et il a gagné, donc… Ceci étant dit, je n'ai pas réussi à élever mon jeu. Chaque jour, chaque scénario est différent. Aujourd'hui, j'ai eu quelques difficultés à bien pousser la balle. (…) Une petite subtilité qui fait une grande différence. Il a fait ce qu'il avait à faire aujourd'hui, mais il aurait probablement pu mieux jouer encore.

Q : Qu'est-ce qui rend son service si difficile ?

AA : Il est très précis, proche des lignes. Il ne vous le met jamais dans votre zone de frappe, il le place toujours loin de vous. Il parvient donc à bien cibler son service. Il tape les lignes.

Q : Pourriez-vous peut-être évoquer la qualité de cette nouvelle génération, comment vous évalueriez les forces de Roddick, Ferrero ou Federer ?

AA : Je ne vois pas ce que je peux dire. Ce sont de grandes discussions dans tous les sports. Comment ils évoluent, comment les joueurs changent, quelles sont leurs forces. Je peux parler des forces de quelqu'un en les comparant à celles d'un autre. Je pense que le service de Pete était meilleur que celui de Roger, mais je pense que Roger se déplace mieux. Il est meilleur du fond et en retour, mais il ne volleye pas aussi bien que Pete. Comment évaluer les choses plus largement ? Ce n'est pas facile, mais en voyant Roger, vous ne pouvez que dire "ok, tu fais ces choses-là de manière exceptionnelle et celles-là tu les fais très bien". C'est un ensemble très robuste.

Q : Sont-ils bons en terme de promotion du sport ? Font-ils du bon travail à ce niveau-là ?

AA : Je ne sais pas ce qu'ils font ou ne font pas, vous savez. Pour moi, cela consiste avant tout à être accessible. Malheureusement, vous ne savez pas ce que les autres font. Même si vous vivez ensemble et voyagez ensemble, il s'agit d'un sport individuel et chacun gère les choses à sa manière.

Q : Avez-vous vu la promotion du jeu s'améliorer ou se dégarder avec le temps ?

AA : Promotion ?

Q : Et bien la conception générale du jeu à travers le monde, ce qu'il signifie aux yeux du public et des médias ?

AA : Hmm… J'en ai une perspective quelque peu erronée parce que je suis en plein dedans. Je ne peux me baser que sur mon expérience de joueur. J'ai entendu parler au cours de nombreuses années de l'intérêt du tennis, d'où il en est, et je suis allé dans des stades remplis. Voilà un autre exemple. En Amérique, c'est certainement un peu différent, je peux le dire. L'intérêt porté au jeu, la couverture qui en est faite. Mais difficile à le dire pour l'international. J'ai joué dans des stades pleins dans de nombreux endroits et c'est finalement ce que vous espérez toujours. Vous espérez que les gens vont venir, qu'ils s'intéressent au jeu.

Q : Comment expliquez-vous la situation du tennis aux USA aujourd'hui en terme d'intérêt ? On peut toujours dire que le jeu est toujours aussi beau. Pourtant, il semble qu'il y ait une déconnexion avec le public, en terme de programmation TV et de l'intérêt porté.

AA : Hmm, oui. L'Amérique est un marché très difficile. Nous avons beaucoup de grands sports et de héros dans ces sports. Nous sortons aussi d'une génération incoryable de joueurs. Andy, c'est certain, a progressé cette année, ce qui est bon pour l'intérêt suscité par le tennis en Amérique. Ce serait bien de voir un ou deux autres joueurs émerger. Il ne vous manquerait alors qu'un ou deux joueurs par rapport au groupe avec lequel je suis venu si l'on peut dire. Ce fut une époque incroyable, après McEnroe et Connors, pour moi Pete, Chang and Courier. Vous savez, il y a toujours eu une base très forte ici, mais cela a peut-être un peu perdu sur le marché américain. Andy va beaucoup aider, c'est sûr. Je serai très intéressé de voir l'impact qu'il peut avoir.

Q : Est-ce qu'un joueur comme Roger peut, même s'il n'est pas Américain, influer sur le tennis US, un peu à la manière de Borg dans les années 1970 ?

AA : Bien sûr, je crois que c'est possible. Les éléments manquants pour que cela se réalise sont impalpables. Le comportement de Roger est impeccable, il est également respecté. Il joue au tennis avec élégance. Il pourrait amener un style qui capterait l'imagination des gens, c'est certain.

Q : Vous étiez très courtois sur le court avec lui. Aimez-vous le voir jouer ?

AA : Oui.

Q : Pourquoi ?

AA : J'aime voir beaucoup de joueurs évoluer, ceux dont je pense qu'ils peuvent m'apprendre quelque chose. Le jour où vous arrêtez d'apprendre, vous ne progressez plus. Je pense qu'il joue avec un style différent du mien et qu'ils fait beaucoup de choses bien. J'ai beaucoup de respect pour son jeu. Je suis sûr que je l'apprécie autant que la plupart d'entre vous. Il est très explosif, a de bonnes mains. Une grande vitesse de main et il sent bien la balle. De bons mouvements. Un jeu toute surface. Il peut jouer du fond et battre le meilleur et il peut faire service-volée et perturber ses adversaire en venant au filet. Il a un jeu qui lui permet de battre différents types de joueurs et c'est ce qu;il faut pour gagner des Grand Chelem.

Q : Quelle est votre impression générale sur cette première Masters Cup à Houston, sachant qu'elle se disputera ici l'an prochain ?

AA : J'ai beaucoup aimé, oui. Je crois que Jim l'a dit, ce qui est important, c'est ce que les fans ressentent. Le public était présent, très enthousiaste et repartait avec le sourire.

Q : Vous avez mentionné votre génération. Q'est-ce que cela fait d'être le dernier de votre génération ? Vous avez dit qu'il y a un certain individualisme dans ce sport, mais vous êtes désormais le dernier de votre génération. Qu'est-ce que cela va vous faire ?

AA : Hmm, je ne sais pas, ça ne m'est jamais arrivé auparavant, donc… (rire). Réponse difficile, je ne sais pas. C'est triste d'un côté lorsque vous voyez vos pairs se retirer, surtout Pete. Ces rivalités. Comme je l'ai déjà dit, vous vous attendez à quitter la danse avec l'un de ceux avec qui vous êtes venu. Sinon, vous perdez quelque chose. Ceci étant dit, Pete, Courier ou Chang n'ont jamais représenté une inspiration pour mon jeu. Pour moi, cela consistait toujours à me pousser pour m'améliorer et ils se sont trouvés là à ce moment. Aujourd'hui, ce sont d'autres joueurs. Ce n'est pas la même chose car il n'y a pas la même profondeur, la même histoire. Mais c'est là.

Q : Pensez-vous qu'il est plus difficile pour les joueurs de haut niveau de connaître la même exceptionnelle longévité que la votre ?

AA : Est-ce qu'il est plus difficile d'avoir une longue carrière au plus haut niveau ? Il semble en effet. Les gars sont incités à jouer beaucoup. Vous voyez Schuettler qui a joué 103 matchs cette année, la façon dont il bouge sur le court, vous dites "c'est du pillonage". C'est abuser de votre corps, c'est du traumatisme. Cela se paye à un moment. On l'a vu avec Chang qui court tant, maintenant avec Lleyton après deux années en tatn que numéro un. Tout se paye, il faut en avoir conscience. Le sport ne vous laisse pas le loisir de prendre ce recul, car c'est toute l'année. Et si vous ne jouez pas, un autre joue et il vous passe devant. Il y a différentes surfaces, pas d'arrêt dans la saison, cela rend les choses très difficiles. (…) Vous ne devez pas seulement aller jouer, vous devez aller jouer et être prêt, et être au top dès le début. Je pense que le jeu s'est développé, qu'il est plus compact. Un gars peut gagner n'importe quand. Donc, cela a plus d'importance à chaque fois que vous vous présentez sur un court. Cela va rendre les choses encore plus difficiles.

Q : Est-ce que cela vos surprendrait d'être assis là où vous êtes dans un an ?

AA : Et bien, je joue l'an prochain, donc c'est bien l'idée. Cela semble vous surprendre (rire). J'ai une bonne mémoire. Je me souviendrai de vous l'an prochain quand nous serons de nouveau ici (rire). Vous serez le seul de qui je ne prendrai aucune question (rire).

Q : Donc, je peux écrire un "oui" ?

AA : C'est mon plan, oui (sourire).

Q : Quelle était la différence entre le match d'aujourd'hui et celui de lundi où vous aviez eu deux balles de match ?

AA : Ce fut une semaine difficile pour moi. Beaucoup de tennis après deux mois sans jouer. Cette accumulation a affecté mon niveau de jeu. Je le dis avec un peu de réticence car je ne voudrais pas que mes propos soient mal interprétés. Roger est de loin le meilleur joueur de la semaine, il l'a prouvé du début à la fin. Mais il y a une chose dont je suis sûr, s'il manque quelque chose à mon jeu, si je ne bouge pas bien, si je ne vais pas chercher les balles, je n'ai aucune chance. C'est ce que j'ai ressenti aujourd'hui. Je n'avais pas cette impression d'avoir ma chance dans ce match, et ce du début à la fin.

Q : Allez-vous maintenant vous embarquer dans l'un de vos légendaires programmes d'entraînement hivernaux ?

AA : Oui, c'est la bonne nouvelle, je suis toujours prêt. Je serai prêt à m'entraîner et à m'améliorer. J'anticipe et je prévois d'être meilleur en Austalie que je l'étais ici. C'est mon approche de la chose.

Q : Etes-vous d'accord qu'il y a des joueurs sur le circuit qui ont peur de voir combien Roger pourrait encore progresser ?

AA : Je ne sais pas comment quelqu'un pourrait faire peur aux gens. Pour moi, cela n'a jamais été un élément déterminant d'avoir peur. J'ai plutôt utilisé cela pour progresser. Mais je dirais que si vous demandez aux joueurs qui a eu une grande année et peut encore connaître une meilleure année, ils réponderait "Roger".

Q : Vous êtes arrivé à Houston une semaine avant le début du tournoi. Etait-ce difficile d'être loin de Steffi et des enfants, surtout la petite dernière ?

AA : Difficile. Je ne sais pas comment répondre. C'est toujours difficile. C'est des sacrifices, tout le temps. Là, c'est ce que je considère être un gros sacrifice.

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