Zone photos : La conférence de presse d'Agassi à Miami 2006

André annonce son forfait quelques heures avant d'entrer sur le court. Il fait le point sur là où il en est et ses projets pour la suite de sa carrière…

André en conférence de presse

ANDRE AGASSI : Merci d'être venus dans un délai si court.
QUESTION : Comment vous sentez-vous ? Pas très bien j'imagine ?

AA : Oui, vous savez, c'est maintenant la même histoire depuis quelque temps. Quelques bons jours suivis d'une série de mauvais jours. Inutile de dire que c'est frustrant, mais aussi fatigant, tout ce processus d'essayer de me pousser pour être prêt pour quelques tournois cette année. Ce n'est pas une bonne chose. Je n'ai pas beaucoup joué en fin d'année dernière à cause de ma cheville et quand je me suis sorti de ce pétrin cette année, j'ai continué à me pousser et à travailler car c'est ce que je veux faire. Vous savez, j'aime ce jeu et je veux essayer d'y jouer.
Mais là, ce sont trop de petits contretemps. Je ne veux pas seulement jouer, je veux gagner. Là, je ne suis vraiment pas en position pour cela, donc ce n'est pas juste de jouer, ni pour moi, ni pour les fans de tennis. Je fais le choix d'essayer de me remettre physiquement, de continuer de travailler et de regarder le calendrier afin de voir quelle sera la suite.
Mais à l'heure actuelle, je ne suis pas en position d'être sur le court. Je suis loin d'être à 100%.

Q : Vous êtes arrivés ici tôt, vous vous êtes entraîné deux heures par jour sur le Stadium Court, votre dos ne posait pas de problème à ce moment-là ?

AA : Et bien, ça dépend de quel jour on parle pour être honnête.
C'est difficile car l'intensité de la douleur varie selon les jours, mais plus spécifiquement j'ai des problèmes pour les rotations, ce qui a pour partie affecté ma frappe de balle et quelques autres aspects essentiels pour moi.
Par moment, j'ai pu entr'apercevoir un niveau de tennis qui me donne des chances d'être compétitif face à tous ces gars, mais ces éclairs étaient suivis de journées plus laborieuses. Vous savez, je peux peut-être réussir un bon match, mais ce n'est pas assez pour moi.

Q : Maintenant, vu que vous ne jouerez pas sur terre battue afin de disputer Wimbledon, est-il possible ou concevable que, si vous vous sentez bien, vous disputiez des tournois challengers sur surface dure d'ici à la saison sur gazon ?

AA : Ecoutez, je ne suis en rien opposé à tout ce qui peut m'aider à faire ce que j'aime. J'aime ce jeu, vous savez. J'ignore dans quelle mesure cela sera possible pour moi. En ce moment, cela me paraît plutôt sombre. Mais je suis de nature optimiste et je croirai que je peux encore vivre de grands moments sur le court. Je veux dire que lorsque mon corps sera remis, j'aurai toujours ça en moi. J'y crois.
Mais je vais devoir espérer pour cela. Et c'est ce que je vais faire.

Q : Est-ce une question de surface ? Sur quelle surface pensez-vous que votre corps peut supporter la rigueur nécessaire pour rester compétitif ?

AA : La terre battue était certainement la première chose que je devais mettre de côté, étant donné ce que cette surface peut me donner en comparaison de ce qu'elle exige de moi. Ce fut une décision assez claire pour moi cette année. J'ai pu négocier les matchs sur dur ces quatre dernières années, c'est-à-dire depuis que j'ai rencontré mes premiers problèmes physiques.
Mais j'ai attaqué cette année très en deçà, tant au niveau de mes déplacements que de mes exigences. Je me suis lancé avec ardeur et désir, mais c'était trop et trop tôt. Je pense que j'ai continué de travailler à des moments où je n'aurais peut-être pas dû. Ce fut probablement une série de mauvaises décisions combinée avec un problème d'usure grandissante.
Donc, je vais tenter de contrôler tout ça, dans la mesure du possible. Essayer de prendre les bonnes décisions et ne pas jouer si je ne suis pas à 100%, ce qui est actuellement le cas. Ce sont trop de jours difficiles pour finalement obtenir un seul bon jour.

Q : Vous faites référence à Indian Wells ?

AA : Oui, et rétrospectivement, toute cette année j'ai pris mes désirs pour des réalités. Avoir des jours, parfois deux à la suite, parfois même trois, où je parviens à m'entraîner et à jouer, ça me donne l'espoir de gagner. Puis, le lendemain et les jours suivants se révèlent plus qu'ordinaires.
Et je ne sais jamais quand cela va venir ou non, ce qui fait que c'est très difficile à prévoir. Il faut que j'arrête là l'hémoragie. Ce n'est pas facile pour moi de faire tant attention et de me retrouver à la fois frustré et loin de mon niveau. Ce n'est pas agréable.

Q : Est-ce que vous vous imaginer de plus pouvoir jouer ou est-ce que vous vous imaginez de nouveau sur le court ?

AA : Je le veux vraiment, vous savez. Je le veux. Je compte rejouer. J'en ai l'espoir. Je suis optimiste pour cela. Mais il faut appeler un chat un chat. Est-il possible que je ne puisse plus rejouer ? C'est clairement possible.
Mais je continuerai de travailler afin de me mettre en position pour bien jouer, et je pense que c'est toujours possible si mon corps répond présent. Seul le temps nous le dira.

Q : Est-ce difficile à accepter cette possibilité que les choses ne puissent se mettre en place pour vous ?

AA : Oui, c'est difficile. Il est temps d'être honnête sur là où j'en suis. Je veux dire que c'est fatigant de parler de vos problèmes. Alors vous essayez de les minimiser afin de continuer. Mais je suis parvenu à un point où je ne peux fermer les yeux sur mes limites actuelles. Je ne veux pas seulement jouer, je veux gagner. Je ne peux le nier.
Je me suis montré un peu entêté sur ce sujet au cours des quatre dernières années, mais je pense que chaque mois, la problèmatique change. J'espère que les décisions que je vais prendre ces prochains mois me permettront d'être bien physiquement. Alors, tout le reste peut suivre.

Q : En quoi est-ce différent de se battre pour cela que de se battre pour revenir lorsqu'on est bien physiquement, mais que l'on joue mal ?

AA : Vous savez, j'ai connu à plusieurs reprises des périodes où je n'étais pas à mon meilleur niveau. Plusieurs fois, j'ai eu des problèmes physiques, j'ai eu besoin de chirurgie ou d'autres contrariétés. Ce fut encore une période décevante où je me retrouve 140ème mondial. Donc, je sais ce de quoi il retourne et je veux régler ce problème, j'ai l'intention de le faire. Mais je n'ai jamais eu 36 ans avant, donc les circonstances sont différentes.
Mais je peux vous promettre que c'est toujours important pour moi. Et je peux vous promettre que je vais respecter ce sport et ses fans en ne me présentant pas si je n'ai pas mes chances.

Q : En quoi la perspective de jouer Wimbledon représente une motivation pour vous ?

AA : C'est toujours une motivation pour moi. Ecoutez, j'ai amené ma famille ici ainsi que mon coach et sa famille. On a travaillé dur tous les jours et la raison pour laquelle j'ai fait ça, c'est que c'est important pour moi. Wimbledon l'est davantage encore en raison de tout ce que ce tournoi représente.
Mais, en même temps, il me faudra être réaliste quand viendra le moment de décider de ma participation là-bas. Cela reste pour moi une motivation.

Q : D'un point de vue médical, vos docteurs vous ont-ils dit qu'ils ne pouvaient vous proposer d'autres traitements ou est-ce que vous ne souhaitez pas allez plus loin ?

AA : Je n'ai pas vraiment envisagé de me faire opérer. J'ignore d'ailleurs quelles seraient alors mes chances. Et j'ignore si je choisirais cette option.
Mais je n'ai jamais laissé mon dos se reposer. Lorsque j'ai eu des problèmes de ligaments à la cheville l'automne dernier, je n'ai pas beaucoup bougé. Vous êtes alors dans l'illusion que ça va, vous vous sentez bien. Ensuite, lorsque ça va mieux et que vous démarrez la saison tambour battant, c'est un choc pour votre organisme.
Je vais devoir voir si un simple repos peut me permettre de continuer de jouer au tennis et me définir un calendrier plus réaliste. C'est un processus difficilé. Je sais que ce ne sera pas facile. Mais en même temps, ma famille me soutient et j'aime jouer. Je ne me sens pas tiraillé, mais je ne sais pas où tout ça va me mener.

Q : Après l'US Open, vous disiez-vous "Hé, regarde ce que tu viens de faire" ? Vous sentiez-vous rechargé et n'est-ce alors que la blessure à la cheville qui est à l'origine de vos difficultés actuelles ?

AA : Non, non, c'est une chose avec laquelle je dois faire depuis quatre saisons maintenant. Vous pourriez probablement revisionner la cassette de la cérémonie et vous me verriez, tandis que je me refroidis, tenir sur une seule jambe et commencer à m'appuyer. J'ai presque mis mon bras autour de Roger vous savez. Cela faisait deux mois, deux mois et demi depuis mon injection.
Mais la blessure à la cheville ne m'a pas permis de me reposer. J'ai tout de même tenté de jouer à Shanghaï, mais quand je m'y suis remis, ce fut trop soudain. Il y a eu de ma part trop d'urgence à vouloir jouer sur dur en janvier, d'être prêt aussi tôt que possible et cela va prendre du temps.
Mais, vous savez, pour moi, ce n'est pas une question de classement. Ce n'est pas une question d'être là à tout prix. J'aime jouer au tennis, mais seulement si je peux gagner. C'est ça qui est amusant. L'amusement, c'est la compétition, le défi. Si je sens que je ne parviens plus à être fidèle à cette idée, ce n'est pas juste pour moi de continuer de jouer après 20 ans de carrière et ce n'est pas juste vis-à-vis des fans de ce sport. Cela s'arrête là.

Q : Les injections sont-elles une option ? Vous permettent-elles de tenir ?

AA : Difficile de deviner laquelle va durer le plus longtemps. De plus, je me ressens de spasmes qui restreignent mes rotations. En conséquence, je ne frappe pas la balle aussi proprement que j'en ai l'habitude. Sur le court, je n'ai peut-être pas grand chose, mais j'ai ma frappe de balle. Lorsque celle-ci se trouve compromise, cela devient un vrai problème.
Donc, les injections peuvent m'aider pendant un temps. Je suis restreint quant à la fréquence à laquelle je peux les subir. Vous savez, c'est le dernier tournoi avant le début de la terre battue et je ne suis pas à 100%. Donc, je n'aurai pas d'injection.

Q : Avez-vous des regrets d'avoir joué à Dubaï, vu les critiques dont vous avez fait l'objet ?

AA : De quelles critiques parlez-vous ?

Q : Peter Bodo et Jon Wertheim de Sports Illustrated ont dit qu'il y avait deux problèmes avec ce tournoi. Tout d'abord que les gens venant d'Israël ne peuvent entrer dans le pays. Ensuite que des observateurs de tennis pensent que vous avez touché de l'argent pour être présent.

AA : Quel est le second problème ?

Q : Le second problème est que vous avez reçu de l'argent pour venir qui n'avait rien à voir avec la dotation du tournoi.

AA : C'est une critique qu'ont reçue de nombreux tournois à différentes époques. Ecoutez, je n'étais pas au courant de cela et ne le suis toujours pas, donc…

Q : Comment se manifeste la douleur dans votre vie de tous les jours ? Est-ce que vous la ressentez davantage sur le court ou lorsque vous jouez avec vos enfants ?

AA : Si je la ressens sur le court, je la ressens aussi en dehors. Ma femme peut porter les enfants plus longtemps que moi (sourire). Mais je pense que c'est le cas pour la plupart des femmes.
Mais je lutte. Je lutte lorsque je dois rester debout trop longtemps. ça, c'est lorsque ça ne va pas sur le court. Mais dans la vie quotidienne, ça va tant que je ne force pas.

Q : Quelles sont les thérapies possibles ?

AA : Vous savez, ils vous disent tous la même chose : des étirements à faire. Mais j'ai ce qu'ils appellent un spondylolisthesis, c'est-à-dire qu'un vertèble a bougé, ce qui limite mes mouvements. Cela combiné avec un problème discal, il ne reste pas beaucoup de place. Ma situation est donc délicate.

Q : Votre volonté de revenir sur le court compromet-elle ce que vous devriez faire pour régler ce problème ?

AA : Oui, j'ai pris quelques mauvaises décisions parce que je veux jouer. J'essaye de faire les choses bien, de me sentir bien et de faire ce que je fais depuis si longtemps. C'est ma grande faute.

Q : Quand avez-vous pris votre décision de ne pas jouer ici ?

AA : J'ai essayé jusqu'à hier. Vous savez, l'entraînement, la manière dont je me suis senti plus tard dans la soirée et mes possibilités réelles d'être performant ici, ce fut assez clair. Ce furent deux bons jours suivis de trois jours très difficiles.

Q : Vous retirez-vous de la Coupe Davis ?

AA : Je pense que Patrick l'a fait pour moi, donc je ne lui en veux pas (sourire).

Q : L'entraînement d'hier fut-il particulièrement douloureux ? Y a-t-il un moment où vous vous êtes dit…

AA : Oui, ma rotation était vraiment limitée. Mon dos avait des spasmes. J'ai pris des relaxants pour les muscles, des anti-inflammatoires, ce qui est devenu très banal pour moi ces derniers temps. Ma rotation était un vrai problème. De même que ma frappe de balle et mon déplacement. Cela gagne votre esprit. Vous savez que vous n'êtes pas heureux, ce qui ne devrait pas être le cas.

Q : Pouvez-vous nous parler de votre déception de ne pas pouvoir jouer ici précisément, c'était votre 20ème participation consécutive. Six titres.

AA : Oui, j'ai toujours aimé jouer ici. La seule chose que j'aime autant que Miami, c'est ce tournoi. Ce sont des endroits très agréables, j'en ai beaucoup de souvenirs, beaucoup de grands matchs. C'est certainement l'une des meilleures enceintes pour moi pour être à mon meilleur niveau.
Mais c'est décevant. Vingt années consécutives à ce tournoi, ça aurait été bien. Mais ça n'en vaut pas la peine si je ne suis pas au top.

Q : Avez-vous un calendrier dans votre tête sur le temps que cela va durer ou est-ce quelque chose que vous prenez jour après jour ?

AA : Je ne sais pas. Je ne sais pas. Je vais retourner à la case départ avec des docteurs et des programmes afin de voir comment je vais pouvoir remonter la pente dans les prochains mois et de juger si je peux progresser suffisamment pour continuer de faire ce que j'aime. Je serai ouvert et honnête quant à tout ce processus car je n'ai pas beaucoup d'autres choix que de regarder tout cela objectivement.

Q : Quelles sont les chances de vous voir ici l'an prochain ?

AA : (Sourire) Je ne sais pas. Ce serait de la spéculation.

Q : Pensez-vous beaucoup à votre vie après le tennis et comment pensez-vous que cela va se passer ?

AA : Je n'ai connu que le tennis dans ma vie, donc pensait à ma vie sans le tennis demande quelques ajustements. Je n'en suis pas encore là.

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